Le souci de la conformité…
Loi du 2 janvier 2002 oblige, de nombreux établissements ou services sociaux et médico-sociaux sont en train de produire, avec du retard, des documents types servant de base aux « contrats de séjour » ou « documents individuels de prise en charge » rendus obligatoires.
Les propos les plus contradictoires (et alarmistes !) sont tenus ici ou là, notamment dans les revues ou colloques, mettant en garde contre les risques juridiques et proposant de réaliser des supports types inattaquables.
… traduit dans des dérives
Les conséquences sont bien souvent néfastes, et sur le terrain, plusieurs dérives ou erreurs sont en place dans près de deux structures rencontrées sur trois :
- On s’inscrit dans une approche de co-engagements… puisque c’est un « contrat » : l’établissement s’engage certes, mais bien souvent, il est demandé à l’usager de signer là sur des engagements formels (comportement, fournitures, obligations morales, etc…),
- On différencie le « contrat de séjour », avec ses différents avenants, et « le projet individualisé » ou « personnalisé », ce qui pose de grandes questions aux professionnels et équipes (et démultiplie le volume de travail),
- On adopte des « modèles clés en mains », des modèles que je qualifie de « juridico-administratifs », totalement inadaptés et même, contraires à la loi. Pourtant ce sont des juristes qui les ont préparés, est-il rétorqué aux objections. Justement leurs conseils sont ceux de juristes, non de professionnels de l’accompagnement social…
Des outils inadaptés…
Ces modèles précisément présentent (on se reportera notamment aux formules éditées par les grandes fédérations d’employeurs) souvent :
- Un langage inaccessible pour le commun des mortels, a fortiori pour une personne handicapée ou une personne ayant un éventail linguistique réduit,
- Un document long, souvent de 4 à 6 pages,
- Des documents en trois parties : 1. Rappel (de 1 à 2 pages) des objectifs généraux de l’établissement ou services, éventuellement mais pas toujours avec la mention des prestations qui pourront être proposées (rien n’est individualisé, on répète les contenus des livrets d’accueil ou des règlements de fonctionnement, ou du projet d’établissement) 2. Conditions de résiliation, de transformation, de négociation, de dénonciation, de contestation par l’usager (de 2 à 3 pages), ce texte est abscons, juridique, avec un effet repoussoir immédiat, 3. Mentions des objectifs et actions individualisées (entre 5 et 10 lignes)
… qu’il convient de corriger
Dans cette perspective, il convient de suivre quelques conseils.
# Conseil 1 : Avoir un langage accessible, celui de la vie des usagers. Le document est un outil de communication et d’échange, il est donc à rédiger de manière compréhensible… pour l’usager ou ses représentants. Les descriptions d’action, de prestations (qui fait quoi, quand, où, comment, etc…) y sont concrètes et adaptées, prédominantes par rapport à des objectifs formulés avec des termes complexes.
# Conseil 2 : Sortir du carcan du contrat juridique. Le contrat de séjour n’est pas un contrat commercial ou un règlement, il n’est donc pas un recueil de co-engagements. Il est donc inutile d’y mettre des contenus rappelant les contraintes des usagers. On se réfèrera à 4 ouvrages qui sont formels sur ce thème * : J-F. Bauduret et M. Jaeger (Rénover l’action sociale et médico-sociale), J-Y. Matho et G. Janvier (Mettre en œuvre les droits des usagers), J-R. Loubat (Elaborer son projet d’établissement social ou médico-social), D. Gacoin (Conduire des projets en action sociale).
# Conseil 3 : Ne faire qu’un seul document. Le contrat de séjour ou document individuel de prise en charge ne peut être différencié du projet individualisé. Dans une présentation formelle et stable, il est essentiellement rédigé à partir du projet individualisé établi pour et avec la personne (c’est pour cette raison qu’est conseillé l’usage du terme « personnalisé »). Le premier contrat de séjour sera relativement succinct, les avenants successifs plus détaillés.
# Conseil 4 : Etre bref. La longueur du document ne devrait pas excéder 2 pages (3 au maximum si le texte est très aéré). Les contenus devraient ainsi respecter les proportions suivantes : Aspects juridiques (durée, résiliation, dénonciation, etc…) sur 1/5ème du texte, Aspects descriptifs de l’accompagnement sur 4/5ème du texte.
# Conseil 5 : Se limiter dans les contenus. Il convient de retirer toute description de prestations ou d’objectifs généraux, ceux du projet d’établissement, des textes réglementaires. Une partie des objectifs et descriptions est dans le livret d’accueil, pourquoi donc se répéter ? De même, il est nécessaire d’éviter d’écrire toutes les actions qui seront mises en œuvre : faire des choix sur les contenus les plus forts et symboliquement les plus porteurs est le plus utile en termes d’accompagnement.
# Conseil 6 : Revenir à l’esprit et la lettre de la loi (et notamment le décret n° 2004-1274 du 26 novembre 2004 qui est explicite) dans la construction avec des parties précises :
- Les mentions juridico-administratives : « Il est établi pour la durée qu'il fixe. Il prévoit les conditions et les modalités de sa résiliation ou de sa révision ou de la cessation des mesures qu'il contient ». Il suffit d’être bref : les dates, les moments de révision, la résiliation, les modalités pratiques, tout cela peut tenir en 5 lignes.
- Les objectifs de la prise en charge : il s’agit de ceux qui ont été établis « avec » la personne ou son représentant. Le « avec » indique l’idée des objectifs individualisés travaillés avec la cette personne, non les objectifs de l’établissement. Cela peut tenir en 2 points au départ, 4 à 5 thèmes dans les avenants.
- Les prestations réalisées : ce sont celles qui sont « les plus adaptées » et seront mises en œuvre « dès la signature ». Encore une fois, il s’agit d’actions individualisées, décrite de la manière la plus simple (qui, quoi, quand, où, comment), leur présentation simple permet d’ailleurs à la personne de se les représenter et éventuellement… de les discuter. Tout cela peut tenir en 10 lignes maximum.
- Les conditions de séjour et d’accueil : une description est ici nécessaire (lieu, groupe, secteur pour un établissement avec hébergement, éventuellement avec un emploi du temps ; lieu et temps de visite ou d’accueil pour un service). Là aussi 10 lignes suffisent, davantage si est joint un emploi du temps.
- Les conditions de la participation financière ou de facturation : une description précise avec la mention des modalités pratiques vaudra mieux que des termes administratifs.
Bon courage donc pour ces simplifications : elles vous feront gagner du temps, elles permettront une communication plus utile, elles valoriseront le sens des accompagnements. Ne croyez donc pas les sirènes qui mettent en avant les risques pour construire des modèles de contrats qui sont des erreurs… dans la forme et dans le fond.
Daniel GACOIN
* Les ouvrages cités sont tous édités par Dunod : www.dunod.com.
bonjour
je suis très sceptique de ne faire qu'un seul document "contrat de séjour / projet individualisé"... le projet a besoin de temps pour sa mise en oeuvre : observation, évaluation, rencontre, négociation, définition d'hypothèse et d'objectifs, de moyens... un rapport au temps du sujet... Or, le contrat de séjour doit être signé dans le mois qui suit l'admission... rapido donc cela ne peut pas être et ne doit pas être du projet... et surtout les objectifs en seraient perdus... Il me semble que vos propositions créées la confusion sur ce sujet...
Rédigé par : christophe malabat | 25 janvier 2006 à 19:09
bonjour Mr GACOIn quel plaisir de vous lire !
j'ai quitté le conseil général pour prendre la direction d'un SESSAD qui est en cours de création et je travaille à la rédaction des livret d'accueil , réglement etc etc .Avant de découvrir votre blog j'ai pris connaissance de quelques spécimens de contrat de séjour notamment et je rejoins votre propos .TOus me paraissent très stéréotypés et effectivement très administratifs plus rédigés pour se protéger ou se défendre que pour véritablement engager une collaboration . merci des conseils et à bientôt peut être .
Rédigé par : Anna TESSARI | 12 avril 2006 à 18:38
Merci de votre interrogation et de votre intérêt pour mes réflexions bloguesques (!!).
Pour la conservation des contenus des dossiers (dont bien sûr les contrats de séjour et autres DIPC, avenants, etc...) :
- je vous confirme que ces documents doivent être conservés dans les dossiers
- la règle de conservation des dossiers est de 15 ans dans l'établissement, puis théoriquement de 35 ans dans le cadre des archives départementales (difficile pour un établissement médico-social : on peut penser à la même durée si le dossier reste dans l'établissement), soit 50 ans au total
Il existe maintenant de nombreuses références sur les contenus, les règles d'usage concernant les dossiers, les obligations réglementaires.
On peut en reparler si vous le souhaitez.
Bien cordialement
Daniel GACOIN
Rédigé par : Daniel GAcoin en réponse à Moniteur 41 | 07 décembre 2006 à 06:22
Bonjour,
Je me permets d'intervenir.. Vous dites que le contrat de séjour en établissement médico-social n'est pas un contrat commercial... or, le contentieux du contrat de séjour dans ce type d'établissement est de la compétence du tribunal commercial.
Rédigé par : Vincent | 29 février 2008 à 16:39
Notre livret d'accuei, comprenant contrat de séjour + réglement de fonctionnement, comporte 65 pages (!!!!) dont 12 pour le contrat de séjour.
Adjoint administratif, il m'appartient de remplir ces documents avec les résidents et leurs familles. Autant vous dire que le language emprunté et juridique n'est en rien explicite pour ces personnes.
Nos documents ont été réalisés à partir de modeles et répondent, parait il, à nos besoins, face aux procédures engagées de plus en plus souvent contre nos établissements. Reste à savoir s'ils remplissent leur fonction première : informer.
Cordialement,
A N
Rédigé par : A nenin | 27 mars 2008 à 15:06
Je maintiens que le Contrat de séjour ne peut, et ne doit pas, être considéré comme un contrat commercial classique (avec engagements des 2 parties) alors qu'il concerne essentiellement la mention des engagements d'une institution dans un accompagnement personnalisé.
Pour ma part, je préfère d'autres termes que ceux de "contrat de séjour" ou "document individuel de prise en charge"... les mots ont un sens, et du coup, ici, il devient lourd.
Ma position n'est pas en contradiction avec le fait que des tribunaux de commerce examinent des manquements dans la réalisation des engagements. Je le regrette toutefois, préférant un règlement dans des juridictions adaptées.
J'apprécie l'exemple donné par A. Nenin montrant des documents parfaits sur un plan réglementaire et illisibles pour des bénéficiaires sur un plan pratique... Je continue à penser que les modèles "juridico-admnistratifs" sont des exemples de ce qu'il ne faut pas faire : des documents qui semblent protéger juridiquement, qui ne communiquent rien, sinon le mépris à l'égard des usagers, et qui construisent à terme la progression de la chalandisation (pour parler comme M. Chauvière) et de la judiciarisation des relations usagers/institutions.
Daniel Gacoin
Rédigé par : Daniel Gacoin en réponse aux remarques de Vincent et de A. Nenin | 06 avril 2008 à 17:42
Bonjour Daniel,
On se connait pour avoir travaillé ensemble au projet de la Haute Bercelle à Fontainebleau (ADSEA 77) et sur le projet de L'association "Ensemble" à Ozoir la Ferrière.
Je voudrais savoir ton oppinion sur la différence que l'on peut faire entre projet individualisé et projet individuel.
Pour moi, le premier serait écrit à partir des besoins de la personne accueillie issus d'une observation par les professionnels.
Le second se ferait à partir des désirs, des souhaits de la personne partagés par l' établissement qui les enterinnent et les rend possibles.
Les deux pouvant d'ailleurs se rejoindre ou/et se compléter.
Qu'en penses-tu?
Merci
Bernard SOLET
Rédigé par : Solet Bernard | 06 juillet 2008 à 09:08
Bonjour,
je suis étubiante, en second année de BTS service prestation du secteur sanitaire et sociale, et dans le cadre de mon examen, je dois monter un projet tutoré de mon choix.
Ainsi, je suis en stage dans un ssiad, où j'ai choisi d'élaborer un livret d'accueil qui est encore inexistant.
Si quelqu'un pouvait m'envoyer à mon adresse mail un exemple des différentes étapes d'une démarche de projet concernant un livret d'accueil cela m'aiderai beaucoup.
Merci
Rédigé par : Charlotte seyrig | 19 janvier 2009 à 10:40
Bonjour
je fait un travail sur le droit de l'usager et la responsabilité des professionnels en établissement social et médico social dans le cadre d'un Master.A cette occasion, je souhaite mener un travail de droit comparé dans les différents pays de l'U.E. Connaissez vous des ouvrages, sites, doc sur ce sujet, mes recherches ce jour sont infructueuses sur la question. Merci
Rédigé par : Jean-Luc AGULIAN | 19 septembre 2009 à 10:35
Bonjour,
deux pages? Cela semble très succint pour y intégrer toutes les informations obligatoires et le détail des prestations fournies dans l'établissement. Sachant que c'est également un outil de protection des résidents il est judicieux de prévoir dans le détail les sources de conflits en donnant une information assez claires et détaillées (et non évasive).
De plus il est fait obligation d'y intégrer le règlement de fonctionnement, la charte des droits et libertés de la personne accueillies.
Bien que l'aspect juridique semble vous ennuyer il est clair que le droit est outil fort efficace pour se défendre...
Cordialement
Rédigé par : gwen | 05 avril 2013 à 12:41
Bonjour
Je répond à vos interrogations et vos doutes.
Tout d'abord en affirmant que les contrats de séjour et documents individuels de prise en charge sont avant tout des outils de communication et de participation, non d'information.
Ensuite, la volonté de border tous les aléas juridiques a entrainé une dérive important pour faire de ces documents des supports "juridico-administratifs", avec 3 dérives :
- d'une part la volonté de tout border pour éviter des risques de conflits (ce que vous exprimez très bien) mais qui laisse ainsi présager d'une drôle de conception avec les usagers, essentiellement des contradicteurs futurs sur un plan juridique, facteurs de risque,
- d'autre part, une absence de personnalisation des contrats de séjour en place, alors que cela est contraire aux textes réglementaires (décret 2004 qui parle d'objectifs établis avec la personne, etc. mais de nombreux juristes aux approches restrictives ont gommé cet impératif)
- enfin la volonté de faire dire aux textes juridiques des contenus qu'ils ne disent pas. Ainsi, quand vous évoquez tous les contenus obligatoires : vous faites référence à de nombreux thèmes possibles, alors que le décret de 2004 simplifie au contraire tous les contenus.D'ailleurs vous montrez bien votre interprétation erronée des textes, disant qu'il est nécessaire d'intégrer le règlement de fonctionnement et la charte des droits et libertés au contrat de séjour, alors que cela n'a rien à voir (ces 2 documents sont des annexes au livret d'accueil).
N'hésitez pas à vous référer au modèle du DIPC pour la PJJ afin de sortir de votre vision peu communicante de ces documents
Bien cordialement
Daniel GACOIN
Rédigé par : Daniel GACOIN en réponse aux propos de Gwen | 14 avril 2013 à 08:32
Bonjour Monsieur GACOIN,
Tout d'abord, je tiens à vous saluer pour la qualité de vos réflexions.
Bien que je sois d'accord avec vos propos concernant le caractère illisible des contrats de séjour, il semble tout de même peu sécurisant de limiter les clauses juridiques en quelques lignes.
En effet, les directeurs d'EHPAD sont confrontés quotidiennement à des résidents qui ne sont plus en capacité de payer les frais de séjour, à des conseils généraux qui mettent des mois à répondre aux demandes de prise en charge à l'aide sociale et qui peuvent refuser d'attribuer l'aide sociale au motif que les enfants ont les ressources suffisantes pour payer les frais de séjour. En cas de refus des enfants de payer, il faut saisir le JAF pour déterminer les contributions financières de chaque enfant. Les délais sont très longs et les dettes ne font que s'accumuler pour atteindre des dizaines de milliers d'euro qui sont pour partie irrécouvrables en raison de la non-rétroactivité de l'obligation alimentaire. Ces cas se multiplient et l'un des moyens d'y remédier est de prévoir des clauses juridiques très détaillées avec des garanties en cas d'impayé. Par conséquent, les clauses s'allongent et deviennent illisibles. Et si on ajoute les recours formés par les associations de consommateurs, on doit ajouter et préciser encore plus des clauses pour répondre à l'obligation d'information des "consommateurs" alors même que nous accompagnons des usagers et que nous avons une activité non-lucrative.
Il est vrai que ce n'est pas l'idéal mais le système actuel ne permet pas d'éviter ces dérives nécessaires.
Bien à vous,
Marc
Rédigé par : Marc | 08 décembre 2013 à 22:01
Bonjour, Vous parlez d'un délais de conservation de 15 ans du dossier de l'usager. Quel texte prévoit cela
Rédigé par : Gilles Sintes | 05 juin 2014 à 10:18
bonjour
Un contrat engage juridiquement. Il n'en est pas de même d'un document individuel qui me semble-t-il n'a pas en lui-même de forme juridique. Il "peut être contresigné par la personne accueillie ou son représentant légal" Or, dans les services, ce n'est pas un contrat de séjour qui peut être mis en place mais un DIPC. Ces services ont alors tendance à ignorer la loi et à mettre en place des contrats de séjour. De fait, la réalité des DIPC ne pose-t-il pas des problèmes, notamment d'ordre financier (recouvrement) et comment y remédier?
Merci de me répondre. Christine
Rédigé par : christine | 11 janvier 2015 à 12:46