Une obligation annoncée…
Les voilà prévenues : les organisations sociales et médico-sociales (OSMS) doivent entrer dans une garantie de la qualité de leurs prestations et fonctionnements, elles devront également la démontrer… Tel est le premier objet de l’obligation de procéder à une évaluation interne (tous les 5 ans) et d’en communiquer les résultats, tel sera également l’objet de l’évaluation externe (programmée, elle, tous les 7 ans). Passées les premières réactions liées à la mise en œuvre immédiate de la loi du 2 janvier 2002, cette réforme annoncée prend progressivement corps dans les esprits.
Chaque structure, mobilisée d’abord sur des outils et démarches obligatoires (livret, projet d’établissement, règlement, etc…), se tourne donc aujourd’hui vers l’obligation de l’évaluation, en recherchant des consignes et modalités pour y répondre.
… et sans cesse reculée
Étonnement du côté de l’Etat, le feuilleton de la loi elle-même (de 1995 à 2002), puis de ses décrets d’application (de 2002 à 2005) est en train de se reproduire avec la question des évaluations. Il peut se décrire, à chaque épisode, par l’expression des pouvoirs publics : « Attendez, les textes arrivent demain… ». Effectivement, quand demain arrive, chacun entend une confirmation : « C’est bien toujours pour demain… ».
Le résultat est navrant : les responsables des OSMS ont mobilisé, préparé, parfois contraint, leurs équipes à des changements, en s’obligeant eux-mêmes à entrer dans une conduite managériale au risque des procès de perte de sens ; ils doivent maintenant tempérer les conduites par absence de clarification des pouvoirs publics sur l’évaluation… Au risque de générer des doutes (le changement nécessaire ? optionnel ?) et des résistances … Au risque de relativiser le sens fondamental du changement…
Une absence de moyens…
Ces doutes sont renforcés par l’absence de moyens publics pour mettre en œuvre les évolutions que l’Etat a lui-même exigées. Un dernier exemple nous est donné en décembre à travers la prise de parole forte de membres du Conseil national de l’évaluation sociale et médico-sociale (CNESMS) : certains ont déclaré avec véhémence une possible faillite de leur mission, l’Etat ne donnant pas à cet organe les moyens de fonctionner. Et chacun de constater que le CNESMS est encore loin de produire, dans sa fonction, tous les repères qui s’imposent.
…pour des perspectives qui changent sans cesse
Il en est, hélas, ainsi dans de nombreux autres champs : des intentions publiques, des injonctions, pour, au final, voir les montagnes et effets d’annonce accoucher de souris, par manque de moyens. Où est l’éthique de responsabilité dans tout cela ?
Ajoutons en outre, que passée la digestion, encore partielle, de la loi du 2 janvier 2002, le secteur social et médico-social doit vivre en 2006 trois réformes majeures :
- La phase 2 de la décentralisation, avec notamment des réorganisations et expérimentations peu lisibles,
- La réforme de la dépendance, avec la mise en place d’une nouvelle branche de la Sécurité sociale et de nouveaux dispositifs structurels,
- La loi du 11 février 2005 sur le handicap, avec le droit à compensation, l’évolution des procédures et commissions, l’obligation de l’inscription scolaire des enfants et adolescents handicapés.
Comment dans ces conditions faire le lien entre annonce et réforme réelle (mesurée, tenue dans la constance, avec anticipation de toutes les conséquences) ? Comment ne pas reprendre la formule fataliste « plus ça change, plus c’est la même chose » ?
Sortir des injonctions…
Il est important que l’Etat clarifie la situation, éventuellement en acceptant des modulations (acceptation d’expérimentations, à la périphérie) pour mieux assumer l’exigence centrale (orientations tenues, au centre).
Sur le thème de l’évaluation, la question est cruciale. De vraies démarches sont en effet en cours sur le terrain, parfois en avance sur l’état du savoir accumulé par les administrations centrales ou le CNESMS. Elles peuvent parfois être dans l’erreur : confusion, recettes, formules toutes faites et généralisées, référentiels monumentaux et inadaptés… Elles sont toutefois originales et utiles.
… pour entrer dans des constructions
Trois modes d’approche sont à promouvoir aujourd’hui sur l’évaluation :
- Au niveau public : la sortie des ambitions trop exhaustives au profit de démarches limitées mais assurées autour du minimum requis (contenus de la qualité, méthodes à promouvoir). Modestie et efficacité des contraintes donc... En particulier, il semble nécessaire que le CNESMS n’entre pas uniquement dans la validation de référentiels énormes (certains avec 450 items) et uniformes, promus par certains promoteurs ou fédérations,
- Au niveau des établissements et services : une phase expérimentale de 3 ans est aujourd’hui ouverte et il semble judicieux de travailler en premier lieu sur la production de références de qualité en acceptant d’en limiter les indicateurs (faire des choix). Dans un deuxième temps, il conviendra d’accepter de différencier l’évaluation des démarches qualité : ces dernières sont peut-être complètes, elles comportent un inconvénient majeur par l’absence de référence à des mesures. C’est la preuve des pratiques et la mesure des écarts entre la qualité formulée et la qualité réelle qui est à rechercher pour entrer dans des évolutions.
- Aux deux niveaux et de manière conjointe : il conviendra d’accepter la démarche d’évaluation pour ce qu’elle est : une « amélioration continue de la qualité », soit un état d’esprit et une démarche pratique, participative, de recherche de progrès. C’est ce qui devrait, me semble-t-il, être affirmé par le CNESMS, pourvu qu’il en ait les moyens et le temps…
Daniel GACOIN
Il me plaît à croire, immodestement peut-être, que nos échanges du 20 janvier vous ont un peu inspiré. Bravo en tout cas pour ce Blog de haute tenue.
Rédigé par : Christian Viallon | 21 janvier 2006 à 22:58
comment ne pas être d'accord avec vos propos... le temps est à la finalisation des outils de la Loi du 2 janvier 2002... un peu de retard mais beaucoup d'énergie et de volonté rencontrés dans les différentes institutions ou services côtoyés. L'évaluation est annoncée, les professionnels s'y préparent intellectuellement et méthodologiquement... et je crois nécessaire d'impulser cela dès aujourd'hui même si les orientations et les travaux du CNESMS se font "trop" attendre. Comme vous je pense nécessaire de privilégier un périmètre circonstancié de l'ampleur de l'évaluation (ou même de la démarche qualité) en fonction de priorités et d'un travail de définition établi de concert... En espérant que l'évaluation dans le secteur n'aura pas le funeste destin de celle de Daudet mis en musique par Bizet...
Rédigé par : christophe malabat, psychosociologue | 03 février 2006 à 15:59