Une loi nouvelle peu connue…
Le grand public aura finalement peu entendu parler de la grande réforme en faveur des personnes handicapées voulue par le Président la République, traduite dans la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, dont les décrets d’application paraissent depuis un mois.
… et pourtant fondamentale
Cette loi révise une loi initiale de 1975 centrée sur le développement des services spécialisés et adaptés pour les personnes handicapées. Elle introduit une dimension nouvelle : faciliter l’intégration des personnes handicapées, en leur permettant notamment de bénéficier « d’un droit à compensation ». La société doit ainsi décliner tous les moyens humains, financiers et techniques, qui permettent à une personne de vivre, de façon autonome son projet de vie dans la cité.
Dans l’architecture nouvelle, des réorganisations émergent et se mettent en place dès janvier 2006, notamment les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) : lieu ressource, multi-partenarial, véritable plaque tournante de l’accueil, de l’évaluation des besoins et de la mobilisation des moyens, en lien en particulier avec cette obtention du « droit à compensation ». Dans chaque maison départementale, siège maintenant une commission unique : elle est chargée de valider toute orientation et ses supports, elle remplace les anciennes CDES, COTOREP, SVA…
Une disposition particulière…
Une partie de la loi nouvelle concerne l’intégration scolaire des enfants et adolescents handicapés. Elle apparaît depuis peu au grand jour et inquiète fortement. Son contenu dit ainsi : tout enfant, tout adolescent présentant un handicap ou un trouble invalidant de la santé est « inscrit dans l’école "ordinaire" la plus proche de son domicile », il peut être orienté « dans un établissement spécialisé », sur proposition de cette école, mais sans « exclure son retour », les enfants et adolescents accueillis dans un établissement spécialisé peuvent être « inscrits dans une école "ordinaire" ». Nulle ambiguïté dans cette disposition : affirmer le droit à l'intégration au sein de l’Education Nationale, lutter contre les exclusions….
…encore peu commentée…
Elle a été peu débattue dans le grand public où personne n’a encore pris conscience du changement à venir. Seuls les établissements spécialisés, responsables avertis et parents concernés perçoivent aujourd’hui des modifications, en restant dans le flou sur les modalités pratiques. Pourtant, sa portée sera importante : symbolique (état d’esprit), humaine (relations et place), institutionnelle (responsabilités croisées), financière (temps et moyens), sociale (travail social agi au sein de la société elle-même).
…qui oblige à prendre la mesure du proche avenir
Les établissements spécialisés eux-mêmes ne sont pas encore totalement engagés ou informés des évolutions à travailler. Elles sont pourtant évidentes. Le détail du décret du 30 décembre 2005, relatif au « parcours de formation des enfants présentant un handicap », donne une idée des réalités à venir :
- L’enfant est naturellement inscrit dans une école "ordinaire", devenant "son établissement scolaire de référence",
- Il peut effectuer tout ou partie de sa scolarité dans cette école, dans un établissement médico-social spécialisé, ou dans les deux de manière partagée,
- Le parcours est défini dans « un projet personnalisé de scolarisation », écrit détaillant les modalités des temps de scolarité,
- Ce projet est établi par l’équipe pluridisciplinaire intervenante, à partir d’une évaluation des besoins et compétences,
- Il est transmis à l’enfant ou son représentant légal, puis à la commission départementale (des personnes handicapées) qui l’utilisera pour valider ou affirmer l’orientation,
- Dans toute école, l’équipe pédagogique a pour mission d’informer les parents et de soutenir leurs démarches pour obtenir un projet personnalisé de scolarisation pour leur enfant,
- Un projet d’accueil individualisé détaille pour chaque école les aménagements prévus, du fait de problème de santé ou mobilité, au sein des locaux,
- Une équipe de suivi de la scolarisation est constituée et se réunit au moins une fois par an, conjointe entre l’école de référence et l’établissement médico-social spécialisé,
- Un enseignant référent est nommé,
- Chaque établissement médico-social spécialisé peut disposer d’une unité d’enseignement (aujourd’hui, certains IME ne disposent pas de cette unité), dont le projet pédagogique spécifique sera une des parties du projet d’établissement.
Les chantiers de travail
Ces changements se mettent en place à partir de 2006. Ils entraînent des chantiers (et des difficultés !) au sein de l’Education Nationale. Pour les établissements médico-sociaux spécialisés, ils sont à traduire, à mon sens, en 6 axes de travail :
- Axe 1 : Favoriser dès maintenant les liens avec les « écoles ordinaires » concernées pour l’inscription d’enfants qui, aujourd’hui, sont uniquement liés à l’établissement médico-social. La multitude des lieux à contacter est évidente (un par enfant),
- Axe 2 : Développer les coopérations, cadres méthodologiques, documents spécifiques, modalités de travail pour entrer dans la construction des « projets personnalisés de scolarisation »,
- Axe 3 : Favoriser la construction des intégrations partielles et toutes les modalités pratiques qui les accompagnent,
- Axe 4 : Ajuster les modalités de rencontre des équipes de suivi de la scolarisation,
- Axe 5 : Mettre en place le rôle des enseignants référents, s’il s’agit d’un intervenant interne,
- Axe 6 : Réécrire (et parfois écrire) le projet pédagogique de l’unité d’enseignement interne.
Chacun est ainsi au pied du mur. L’ambition est possible… Sera-t-elle à la hauteur des moyens et des engagements individuels et collectifs ?
Daniel GACOIN
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